«РАННИЕ РАБОТЫ ПО ИСТОРИИ РУССКОЙ ПОЭЗИИ XVIII века Общая редакция и вступительная статья В. M Живова ЯЗЫКИ РУССКОЙ КУЛЬТУРЫ Москва 2001 ББК 83.3(2Рос=Рус)1 Г 93 Издание осуществлено при финансовой поддержке Российского ...»
Dans Racine, on trouve aussi l'indication del ville qpi'Hippolyte a quitte; on parle de son silence, de son aspect pensif. La meu* tion du char se retrouve chex les deux auteurs. Sumarokov fait mourir son bros d'une manire diffrente de celle d'Hippolyte (il se perce la poitrine), mais non sans lui uvoir fait prononcer quelques paroles que le trpas rient interrompre :
La scne finale de Sinav contient, elle aussi, des rminiscences directes de Racine : Sinav, qui a caus la mort de Truvor, cause aussi celle d'Il'mena, qui se suicide, ne voulant pas survint & celui qu'elle aime, et il tombe dans une sorte d'garement fait de regret pt de dsespoir. On reconnat le dessin de la dernire scne d%Andromaqu ou Oreste dans sa folie crott revoir Pyrrhus et Hermione.
Il est mme des vers qui accusent un emprunt direct :
oin a e le • fureur» d*Oreste.
On dcouvre, dans les autres tragdies, d'autres passages o Sumarokov s est inspir de Racine. Ainsi, Artistona noue prsento cette situation : la fiance du roi (Fedima), carte parce que le prince a conu un nouvel amour, non rciproque du reste, brAle de se venger (Hermione s'tait trouve dans une position analogue).
Fedima demande son ami de tuer sarivaleArtistona (on se rappelle une seine toute proclio entre Hermione et Oreste). Aprs quoi, Fedima exprime ses sentiments dans un monologue qui correspond au dialogue entre Hermione et sa confidente, et la mme pense passe dans l'esprit des deux hrones :
Un autre passage d'Artistona est inspir de Briiannieus.-Artistona aime Orkant et est aime de lui, mais le roi, amoureux d'Artistona, contraint celle-ci crire son amant qu'elle renonce к ce premier amour (II, i). Nron n'agit pas autrement avec Junie (III, S), h cette diffrence prs que Junie doit se borner simuler la froideur dans sa conversation avec Britannieus*1). La lettre d'Artistona permet Sumarokov d'viter, suivant sa coutume, les pisodes effet : un court rcit de l'hrone sa confidente nous apprend ce que nous rvile un savant dialogue chex Racine. L'auteur russe a cru bon, cependant, de donner une justification psychologique ce changement. La confidente demande.Artistona s'il n'aurait pas mieux valu : то дать знать лэь'исомъ? A quoi il lui est rpondu :
On pourra rapprocher galement deux scnes tiArtUtona (11, k) et de Brtiamueui (III, 7), o la rupture force entre les deux amants trouve sa solution.
Sumarokov a dvelopp cette mme situation une lois encore, dans la tragdie qu'il composa ensuite, Jaropolk $t Dimita (1768), o la parent arec le texte de Racine devient si arande que l'on peut parler d'un rritable emprunt. Le roi, pre de Jaropolk, veut sparer son Gis de Dimisa, la femme que celui-ci aime et de qui il est aim. Il la fait venir et lui demanae de renoncer son amant et, comme elle refuse, il la menace de faire mourir Jaropolk. Elle s'crie alors :
Prte k tout, elle accepte l'ordre qui lui est donn de dire Jaropolk cju'elle ne l'aime plus. Le roi sort, laissant comme tmoin de l'entretien qui ra avoir lien son confident, Rusim; c'est exactement la tactique de Nron, mais avec cette diffrence que celui-ci annonce qu'il assistera aussi, invisible« la conversation. Vient ensuite ches les deux auteurs une courte scne entre l'hrone et le confident qui va l'observer. Puis Jaropolk, comme Britannicus, arrive. Dimisa dclare alors simplement son amant qu'il vaut mieux qu'ils cessent de s'aimer, alors qu'on se rappelle que ches Racine le jeu est plus complexe. A l'acte suivant, dans une tice comme dans l'autre, l'amant apprend la vritable eause de [a froideur de celle qu'il aime : c'est iunie elle-mme qui rvle la vrit k Narcisse, alors que c'esl Rusim, confident k la fois du roi et de son fils et homme vertueux, qui claire Jaropolk Il faut noter cependant, comme un trait qui peint bien la manire des deux auteurs, que la confusion ne de la fausse dclaration prolonge ches Racine son effet pendant la dure de huit scnes dialoguea (de II, 3 k III, 7), alors que, chez Sumarokov, elle ne dure que la valeur de deux monologues qui n'apportent rien de nouveau k l'action : ce qui ches Racine n'est qu un des lments d'une intrigue complexe devient chez Sumarokov le centre unique de l'intrt.
On pourrait enfin faire des rapprochements de situations entre Britannicu* et lavant-dernire pice de Sumarokov, Le Faux Dimitrij (4ewrrpifi GauoBBauem»), crite en 1 7 7 1. Ici aussi un tyran, Dimitrij, est pris de la fiance du hros, et il est prt la lui arracher, comme il est dcid loigner sa propre femme Les contemporains et les lves de Sumarokov pourraient galement fournir des exemples d'inspirotious puises dans Racine et aussi parfois d'imitations directes.
Lomonosov, qui se mit crire des tragdies sur le dsir de l'impratrice Uiisabeth, construisit en 1761 sa seconde pice, Demofont (4etfoooHTi>), l'uide d'lments emprunts en majeure partie Andromaque. Y. Rzanov, dans une tude consacre au thtre de Lomonosov w f en a donn la dmonstration. Il a mis en lumire que non seulement le plan des deux pices tait pareil ^ mais que Ton pouvait dcouvrir une srie de scnes parallles et des emprunts textuels. Lomonosov, il est vrai, crivit ses pices contraint et forc; il s'tait tenu l'cart du mouvement que mirent en branle les heureuses tentatives de Sumarokov, et il est bien le moins original des tragiques do son temps. Ses pices n'eurent du reste aucun succs, bien que, mme chez lui, on puisse discerner les traces d'un effort pour combiner d'une manire neuve les lments emprunts Racine.
La troisime tragdie de Cheraskov, Marteua d Faleetra (MapTeaifl H efra^eerpa), de 1 7 6 7, rappelle par son intrigue l'Ariane de Thomas Corneille, et une srie de concordances dans les dtails de l'action et mme dans le style indiquent que ce n'est pas un hasard. De plus, on y trouve un passage directement inspir de Y Andromaque de Racine. Le hros ue la pice, jax, s'est pris de Falestra, la sur de Martezia qui l'aime. Martexia vient l'apprendre, et elle a avec Ajax une explication qui rappelle de prs une scne du mdme genre entre Pyrrhus et Hermione ( Andromaque,...Aprs cela, Madame, clates contre un tratre On retrouve dans la quatrime tragdie compose par Cheraskov, Boriilav (1776)» la situation typique de Dritonmcut dont Sumarokov avait dj tir parti deux fois; aussi est-il difficile de savoir si l'auteur Га emprunte la pice originale ou к ses adaptations russes. Le roi Borislav oblige sa fille renoncer son amant Prenest qu'il mettra mort si elle ne lui dclare qu'elle ne l'aime «lus (III, 1). La jeune Glle rpond к son pre comme Junie к ron, quoique plus longuement Puis vient la trs courte scne C e q u i rappelle fort l'exclamation d ' H e n n i o n e < de la dclaration contrainte (III, a ), suivie de deux autres scnes (III, 3 et 4) o le roi et son confident Vandor donnent confirmation l'amant du changement qui lui est signifi (1>. Vandor enfin, dont le personnage rappelle beaucoup plus le Rusim de Jaropolk rl Dimiza que le Narcisse de Drilannicue, rvle au jeune homme toute la vrit > Narcisse joue ce r6le a u p r s d e Britannieua ( Ш, 6 }.
d u m a t r e franais.
f> C o m p a r e r le dialogue entre N r o n et J u n i e (Britoucu, II, Ъ) et les passages q u e n o u a a v o n s signals d e VHamlH et d u Faux-DimiUri de Sumarokov.
Ирапорщнгь IL Л.
de se donner la mort sitt la crmonie termine (V, 1) : cette rsolution rappelle celle d'Andromaque, mais, comme Sumarokov l'avait dj adopte dans Sinav et Truvor, on peut se demander si l'auteur anonyme est remont au modle originel ou s'est born imiter le matre russe. W.
Nous avons assex multipli les rapprochementa, croyons-nous, pour qu'on puisse juger de leur caractre. Tous se rapportent des situations isoles, k des dtails d'intrigue, des fragmenta de dialogues ou de monologues. U n'y a rien qui ressemble 1 l'adoption en bloc de toute la trame d'une pice de Racine; Lomonosov seul fait exception, mais on sait qu'il est hors des traditions du th&tre russe. Dans tous les cas que nous avons examins, nous avons vu Sumarokov et ses successeurs bAtir leurs pices d'aprs une formule qui n'est pas celle de Racine, mais y insrer l'occasion tel jeu de scne ou telle tirade venant du pote franais. Cet emprunt n'a rien de grossier(,) : les motifs adopts n'ont pas t arrachs k la trame originale pour tre ensuite tant bien que mal incrusts dans le nouvel ouvrage, et l'on ne voit pas que des lambeaux inutiles soient « venus » avec la pice principale, dnonant ainsi la maladresse de la rapine. Le travail a t bien fait et le dcoupagerigoureux.Cela prouve, nous semble-t-il, que les crivains russes restaient parfaitement matres de leur matire, et qu'ils se servaient de Racine qu'ils connaissaient, mais qu'ils ne le suivaient pas.
Knjainin procda cependant un jour d'une manire tout autre que celle de Sumarokov et de sespigones. Ce pote, que Puskin appelle non sans raison • QepeHMHHaufi • (c'est--dire « imitateur »), essaya de se dgager des canons de la tragdie russe tablis par Sumarokov, car la manire en commenait k lasser spectateurs et lecteurs. Pour donner une formule nouvelle au thtre, il voulut se rapprocher sensiblement des systmes dramatiques franais : il empruntait tantt Voltaire, tantt k Corneille et tentait de fondre ses emprunts en un tout qui plt au public russe.
Il lui arriva mme de vouloir enter une pice racinienne sur ('> L'imitation directe d u m o d l e franais s e m b l e p e u p r o b a b l e, car les rapports i'arbre de la tragdie russe. Ce fut une greffe brutale : une tragdie de Racine presque tout entire, et non plus seulement des situations, des effets de style, voire des principes de composition, comme il en avait t pour Voltaire et pour Corneille^. L'inspiralion n'tait pas heureuse, car Racine, transplant en bloc, avait aussi peu de chances que possible de reprendre sur le sol russe.
Il ne servit de rien Ь l'auteur de corser l'emprunt d'imbroglios dans le got de Voltaire et de l'assaisonner de leons morales к la manire de Sumarokv, son Vladimir et Jaropolk, car c'est de ce drame que nous voulons parler, resta une pice de Racine et n'appartint Knjainin que parce qu'il la signa Non seulement tous les personnages principaux correspondent ceux d'imfomaque^\ mais toute l'intrigue, avec tous ses dtails essentiels, se retrouve dans la pice russe. Les diffrences sont inGmes : 1action est transporte dans l'ancienne Russie, Vladimir (Oroste) et Jaropolk (Pyrrhus) sont des frres, autrefois ennemie.parce qu'ils ont t rivaux dans leur amour de Rogdena (Hermione), mais prsent rconcilis parce que l'un d'eux, Jaropolk (Pyrrhus), s'est ripris d'une prisonnire grecque Kleomena (Andromaque); Rogdena hait Vladimir (Oreste), qui autrefois a dtruit sa patrie et son pre, niais elle ne se tue pas i la fin de la pice; Kleomena ( Anaromaque) est vierge, mais elle tremble pour la vie d'un jeune frre qui joue le rle d'Astyanax, et elle pleure un fianc. La pice s'ouvre par l'arrive de Vladimir (Oreste), puis toute l'action se dveloppe sut* un canevas identique celui AndromaqueUne Foule de passages sont traduits, d'autres imits de trs prs;
donner des exemples serait inutile : il suffit d'ouvrir la pice russe pour lire au travers la tragdie franaise.
(i) E n g n r a l, c'est surtout l'influence d e Voltaire q u i est sensible s u r K n j a i n i n.
1907, I.
* Одниподпап. 1штор|10д№ XVIII Hitca, иуд. Общ, люб иг. дрсви. иигьм.,